BvS : fans just wanna have fun

A la base je voulais faire une critique de Batman v Superman. J'ai trouvé le film pas très bon mais je ne suis d'accord avec aucune des critiques que je lis. 

J'ai aimé le Batman brutal et meurtrier, son opposition avec un Superman plein de bonne volonté mais dépassé par les enjeux de ses actions, le fait que leur affrontement résulte à la fois de la fin de Man of Steel et d'une divergence d'opinion sur le statut de héros/vigilante. 

J'aimais le problème posé par la toute puissance de Superman. L'enchainement de plans à l'iconographie christique avec le discours en voix off du sénateur moi je l'ai trouvé cool.

J'aimais le foreshadowing du rêve de Bruce Wayne, si c'est vraiment la tournure que prendra l'univers partagé par la suite ça peut être vraiment chouette.

Par contre ça n'était pas toujours très fin, le film se sentait obligé de m'expliquer des trucs évidents tout en enchainant ensuite des séquences de manière incompréhensible, et il fallait adhérer à une vision du Batman qui tranche avec l'idée qu'on s'en fait habituellement. En plus le cabotinage de Lex Luthor était insupportable.

Mais finalement ce n'est pas de ça que je vais parler. Je vais partir du dernier acte du film pour donner mon avis sur la tournure que prennent les adaptations de comics à l'écran en général. Rien que ça.


Je mets ici une image générique pour couper un peu le texte, ça vous embête pas ?

A mon avis c'est lorsque Martha Kent se fait kidnapper par Lex Luthor que le film part définitivement en bat-sucette. 

Oubliée la confrontation idéologique entre Batman et Superman qui devait se régler aux poings. Finalement s'ils se bagarrent c'est parce que le méchant les a manipulé et, s'impatientant, a utilisé la maman de Superman pour servir de catalyseur à l'affrontement. Il fallait faire vite pour basculer les enjeux vers autre chose, parce qu'il y a la Justice League à mettre en chantier derrière. Alors on a abrégé le combat aussi vite qu'on a précipité son déclenchement, et en recyclant le même truchement : la maman de Superman. 

 

It's all part of the plan

Il fallait "unir les 7" comme l'annonçait une affiche préliminaire, et pour des raisons pas très claires ce devait être à l'initiative du Batman. Alors Superman devait s'effacer, mais en s'étant d'abord réconcilié avec Batou. D'où le désamorçage de l'opposition idéologique entre les deux, pour ramener ça à quelque chose de plus personnel et de plus facile à résoudre par une pirouette. D'où également l'enchainement de caméos minables avec CyborgFlash et Aquaman, l'introduction nanardesque d'un antagoniste de dernière minute capable de "tuer" L'Homme d'Acier et, de fait, la mort de Superman à laquelle personne n'a cru et sur laquelle le film ne laisse même pas planer le moindre doute.


L'antagoniste en question aurait d'ailleurs été bien mieux comme ça.

Mon ressenti face à ce film est semblable à celui que m'avait laissé Captain America The Winter Soldier, quand après deux tiers de polar-espionnage tendu et (presque) réaliste j'avais vu arriver une IA de savant fou de la seconde guerre mondiale, une flotte de portes-avions volants à faire exploser, et une conspiration ridicule à base de chuchotements. Semblable également à ma circonspection face à la saison 2 de Daredevil dans laquelle l'excellent arc du Punisher et les réflexions qu'il soulève doit cohabiter avec Elektra et les ninjas qui creusent un trou géant sous New York. Quels que soient les sujets abordés par le prisme des super-héros, le propos doit souvent laisser place à un final plus léger, plus comics, généralement un affrontement avec un vilain qui est juste vilain pour être en opposition avec le héros qui lui est gentil. Parce que c'est plus simple.

Iron Man 3 souffrait également de ce syndrome, après avoir déconstruit les figures de héros et de vilain il n'échappait pas à la bonne grosse baston finale des familles ... contre un gros vilain.

Bref, dès qu'un truc avec un super-héros dedans parvient à faire autre chose que ce qui a été défini au cours des 10 dernières années comme le modèle à suivre des trucs de super-héros, tant au niveau de la structure que du ton ou des thèmes abordés, il ne tient pas jusqu'au bout (un peu comme cette phrase). Il est toujours rattrapé par la nécessité de coller à ce schéma ou de s'intégrer dans un univers plus vaste. Dans les deux cas ce revirement du dernier acte, dénote avec le propos et le ton du film et crée une dichotomie qui met à mal notre perception du film en entier, pour le ranger dans la catégorie des "average super hero movies". il opère même une distanciation avec le propos, une prise de conscience que, quels que soient les messages que le film ait pu nous envoyer dans la tronche, finalement ce n'est pas sérieux c'est juste des super-héros de comics, ouf.

Bien sûr c'est parfois nécessaire de rendre moins crédible la possibilité de mettre un masque pour aller faire la loi dans la rue. Mais lorsque le propos est réaliste et positif cette distanciation est dommageable. La série Jessica Jones qui traite admirablement les sujets du harcèlement et de la culpabilisation des victimes (via son excellent vilain pour une fois) se coltine en parallèle une histoire de super-soldats shootés à la drogue magique qui les rend méchant même si au fond ils sont gentils. Là encore il s'agit a priori d'introduire un nouvel antagoniste pour la suite de la série, mais du coup lorsque le gentil flic du début se met à agresser son ex ce n'est pas de sa faute il ne peut pas se contrôler ... une idée plutôt contre-productive vis-à-vis du message et de l'intention de cette saison.


Mr et Mme Tutor ont une fille ... (un indice sur l'image)

L'idée d'univers partagé au début c'était cool. Chez Marvel quelques easter-eggs et une scène post-générique laissaient à chaque film la place de développer son histoire et son identité propres tout en teasant un futur film choral qui serait pleinement dédié à rassembler tout le monde dans un joyeux bazar coloré. Des réalisateurs reconnus (Jon Favreau, Joe Johnston, Kenneth Brannagh, Shane Black notamment) y appportaient leurs idées et leur style : classique rétro chez Johnston, shakespearien chez Brannagh, sale gosse pour Shane Black. Même si le ton était plus léger on n'était alors pas si loin de la démarche de Christopher Nolan sur sa trilogie Dark Knight, qui prenait ses films un par un sans se soucier d'éventuelles suites et en choisissant de varier les genres d'un épisode à l'autre plutôt que de jouer la surenchère. 

Aujourd'hui, chaque film n'est qu'une brique apportée à un édifice plus grand, les films pris indépendamment ont des soucis de cohérence, les auteurs avec un projet qui leur est propre ne sont plus les bienvenus (hein Edgar Wright ?) ils ont été remplacés par des exécutants ou des réalisateurs de séries télé (tout un symbole). Enfin, toutes les itérations de la saga se sont uniformisées sur un ton léger et rigolo. C'est mon second grief à l'égard de ce que fait Marvel : le leitmotiv du "Fun".

 

Why so serious ?

En se lançant dans un modèle similaire, DC a reproduit l'erreur de consacrer une trop grande proportion de son film à dérouler le tapis pour les suivants mais s'est démarqué par le propos et le ton de son métrage, moins léger, plus sombre. Ce qui dans l'intention est une excellente chose.

Alors quand Kevin Smith affirme que BvS est mauvais parce qu'il n'est pas "drôle", quand Suicide Squad repart en tournage pour ajouter un peu de "légèreté" c'est plutôt inquiétant. On est loin d'être sur la voie de trouver une solution à cette uniformisation des films "funs", qui va donc se propager à la concurrence. Marvel eux-mêmes semblent l'avoir compris : après avoir été relativement mutiques sur Civil War ces derniers mois (préférant communiquer sur le renouvellement que marquerait le film suivant, Doctor Strange, en tant que "vrai" début de la phase 3), la projection presse US très anticipée et les conditions d'embargo plutôt souples semblent traduire une confiance retrouvée. En même temps, lorsque le seul concurrent en mesure de proposer quelque chose de différent se fait démonter, il y a effectivement de quoi être confiant à refaire la même chose que d'habitude. Et ça marche :  

 

 

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